Games aurait pu être le chef-d'œuvre de Curtis HARRINGTON. Il s'en est fallu d'un bon scénario. Non que le script soit dépourvu d'intérêt, thématiquement (tous les thèmes favoris du cinéaste sont convoqués par Gene R. KEARNEY, à partir d'une idée originale d'HARRINGTON lui-même). Ce qui pèche, c'est sa structure. Et sa structure est ni plus ni moins celle des Diaboliques de Henri-Georges CLOUZOT. Tout repose sur un twist final que l'on sent venir 70 minutes à l'avance. Cette réserve émise (et il faut avouer qu'elle n'est pas mince), il convient d'en prendre son parti pour apprécier les aspects positifs du film, qui sont nombreux.
En premier lieu, il y a cet écheveau extrêmement élaboré de figures et de thèmes chers au cœur de l'auteur de What's the Matter with Helen ? Jeu des apparences, culte de l'artifice, fascination pour les comédiennes vieillissantes (ici Simone SIGNORET, dans un rôle prévu au départ pour Marlène DIETRICH), fausseté des rapports humains, goût de la manipulation : tout y est, servi par une mise en scène d'une admirable fluidité, et des comédiens qui, des têtes d'affiche aux seconds rôles (il y en a une jolie brochette : Don STROUD, Ian WOLFE, Kent SMITH, Peter BROCCO, Estelle WINWOOD), s'intègrent parfaitement à l'univers si particulier et identifiable du cinéaste. La photographie de William A. FRAKER (qui officia sur Rosemary's Baby) est un délice pour l'œil, de même que les décors "post-contemporains" (à la fois nostalgiques et très marqués par l'esthétique pop), à la subtile valeur symbolique.
L'histoire ? Un jeune couple richissime (James CAAN et Katharine ROSS), passionné de jeux et d'art moderne, reçoit la visite d'une représentante en produits cosmétiques (Simone SIGNORET) qui, désabusée par son métier et à bout de force, fait un malaise à leur domicile. Ils l'hébergent durant quelques jours, et découvrent en elle une partenaire idéale (et diaboliquement experte) pour les mises en scène sournoises ou canularesques dont ils aiment à pimenter leur quotidien. Comme il se doit, les jeux de rôles qu'ils improvisent se révèleront moins innocents qu'il n'y paraît, et déboucheront rapidement sur le drame.
Une telle intrigue offre une occasion royale de démonter les mécanismes du camp, ce concept qui vise, à travers une glorification de l'artifice et une systématisation de l'outrance, à déstructurer les schémas sociaux, moraux et sexuels. Expert en la matière, HARRINGTON fait de son film une passionnante étude des tenants et aboutissants du camp, à défaut de parvenir à établir un climat de suspense réellement probant.
Katharine ROSS moustachue... Un trait typiquement camp :
la remise en cause des rôles et schémas sexuels.
Tel quel, Games reste néanmoins l'une de ses réussites majeures, pour laquelle il manifesta toujours un certain attachement. Bien que regrettant l'impossibilité d'obtenir DIETRICH pour le rôle de Lisa Schindler (le producteur Lew WASSERMAN estimait qu'elle ne valait plus un clou au box office, et contacta en premier lieu Jeanne MOREAU, qui déclina la proposition), il se montra toujours extrêmement satisfait de sa collaboration avec SIGNORET -- malgré les inquiétudes du costumier Morton HAACK, qui se plaignait d'avoir à "habiller une souris et un éléphant" (la souris étant Katharine ROSS, l'éléphant SIGNORET, alors en pleine période d'"inflation pondérale".)
Pour les fans de HARRINGTON -- de plus en plus nombreux, ce qui n'est que justice --, Games est sans contredit un incontournable.
Ayant constaté un décalage sonore (dont ne souffre pas la copie) sur les extraits que j'avais prévu de poster, je ne vous soumets ici que le générique, emprunté à YouTube...
Vidéo postée par dogonsey
Hadopiser en DVDRip et V.O.S.T. (nouveaux liens RS) :
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