Durant son exil européen, Samuel FULLER posa sa caméra en Allemagne pour tourner ce modeste thriller financé par la télévision (il devait à l'origine constituer un épisode de la série Tatort), mais distribué en salles. C'est peut-être son film le plus obscur, longtemps difficile d'accès et rarement évoqué par la critique. Malgré quelques incohérences scénaristiques et une impression générale d'inaboutissement, il n'a pourtant rien de déshonorant. Composant avec un budget réduit et une distribution hétéroclite, FULLER joue la carte de l'ironie et compense par l'énergie des cadrages et du montage les faiblesses d'une intrigue peu originale.
"La version originale a été montée pour les Etats-Unis. Mais la compagnie allemande, "Bavaria Atelier", n'y croyait pas. Ils la trouvaient insultante (...) Au générique, mes acteurs étaient habillés en clowns, ils regardaient la caméra, et faisaient un gag l'un après l'autre. Mon cameraman venait aussi lorsqu'on nommait son travail : "photographie de...". Pareil pour ma monteuse, dans la salle de montage. Et moi aussi, en clown ! Je disais : "Ceci est un carnaval, un cirque. C'est pour rire. Vous n'allez pas être blessé, public. C'est pour rire." En Allemagne, ils ne pouvaient pas supporter ça, parce que je m'y moquais d'eux. Le producteur adorait l'idée de "FUN", de rigolade. Il s'est battu pour la garder. Impossible. On y aurait trouvé la seule chose neuve que je voulais mettre dans cette histoire."
"Le premier jour de tournage, le cameraman est venu me voir : l'équipe ne connaissait pas le 35 mm. C'était peut-être une très bonne équipe de télévision, mais ils n'avaient absolument pas l'habitude des mouvements de caméra..."
"Ce qui m'intéressait le plus dans ce scénario, c'était l'idée que les politiciens sont la cible idéale des maîtres-chanteurs. Les millionnaires sont moins intéressants parce que plus difficiles à effrayer."
Au sein d'une distribution très inégale (Christa LANG, l'épouse de Samuel FULLER, est pathétiquement limitée, et Stéphane AUDRAN ridicule dans une courte apparition), on retrouve avec plaisir l'acteur de télévision Glenn CORBETT, que FULLER dirigea 12 ans plus tôt dans The Crimson Kimono, et surtout le fabuleux Anton DIFFRING, le Nazi préféré des cinéphiles et l'un des piliers du cinéma fantastique britannique, excellent dans le rôle du chef de l'organisation, aristocrate cynique épris d'escrime, en qui FULLER voyait le représentant d'une décadence "particulièrement européenne", celle qui s'exprime dans les "combats de gentlemen. La forme la plus basse de l'hypocrisie : ils se haïssent, et ils sont courtois." (Le duel final entre DIFFRING et CORBETT est un grand moment de comique involontaire).
Glenn CORBETT
Anton DIFFRING
Hadopiser ici, en VHSRip et V.F.
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