samedi 24 novembre 2012

MORT D'UN PIGEON DANS BEETHOVEN STREET (Dead Pigeon on Beethoven Street, Samuel FULLER, 1971)




Durant son exil européen, Samuel FULLER posa sa caméra en Allemagne pour tourner ce modeste thriller financé par la télévision (il devait à l'origine constituer un épisode de la série Tatort), mais distribué en salles. C'est peut-être son film le plus obscur, longtemps difficile d'accès et rarement évoqué par la critique. Malgré quelques incohérences scénaristiques et une impression générale d'inaboutissement, il n'a pourtant rien de déshonorant. Composant avec un budget réduit et une distribution hétéroclite, FULLER joue la carte de l'ironie et compense par l'énergie des cadrages et du montage les faiblesses d'une intrigue peu originale.


Le détective Sandy (Glenn CORBETT) enquête sur une série de chantages visant des hommes politiques. Ceux-ci sont drogués par la jolie Christa (Christa LANG) et photographiés avec elle dans des positions compromettantes. Après l'assassinat de l'un de ses collègues, Sandy parvient à infiltrer l'organisation, dirigée par le machiavélique Mensur (Anton DIFFRING). Comme il se doit, il ne tarde pas à s'éprendre de Christa et à perdre de vue sa mission, ce qui lui vaudra de bien mauvaises surprises et de sérieux emmerdements.


Tout heureux de disposer d'un financement après deux ans d'inactivité et l'échec notoire de Shark !, FULLER ne tarda pas à déchanter lors du tournage, lorsqu'il réalisa que la production ne partageait ni ses ambitions, ni ses options distanciatrices. Il semble néanmoins avoir pris plaisir à jouer les touristes le long du Rhin, et à tourner dans quelques lieux qui lui tenaient à cœur, comme le Musée Beethoven de la ville de Bonn, dont il voulait également filmer le carnaval.


Voici quelques-uns de ses souvenirs, confiés à Jean NARBONI et Noël SIMSOLO dans le livre "Il était une fois... Samuel FULLER" (Ramsay, 1990) :

"La version originale a été montée pour les Etats-Unis. Mais la compagnie allemande, "Bavaria Atelier", n'y croyait pas. Ils la trouvaient insultante (...) Au générique, mes acteurs étaient habillés en clowns, ils regardaient la caméra, et faisaient un gag l'un après l'autre. Mon cameraman venait aussi lorsqu'on nommait son travail : "photographie de...". Pareil pour ma monteuse, dans la salle de montage. Et moi aussi, en clown ! Je disais : "Ceci est un carnaval, un cirque. C'est pour rire. Vous n'allez pas être blessé, public. C'est pour rire." En Allemagne, ils ne pouvaient pas supporter ça, parce que je m'y moquais d'eux. Le producteur adorait l'idée de "FUN", de rigolade. Il s'est battu pour la garder. Impossible. On y aurait trouvé la seule chose neuve que je voulais mettre dans cette histoire."

"Le premier jour de tournage, le cameraman est venu me voir : l'équipe ne connaissait pas le 35 mm. C'était peut-être une très bonne équipe de télévision, mais ils n'avaient absolument pas l'habitude des mouvements de caméra..."

"Ce qui m'intéressait le plus dans ce scénario, c'était l'idée que les politiciens sont la cible idéale des maîtres-chanteurs. Les millionnaires sont moins intéressants parce que plus difficiles à effrayer."

Au sein d'une distribution très inégale (Christa LANG, l'épouse de Samuel FULLER, est pathétiquement limitée, et Stéphane AUDRAN ridicule dans une courte apparition), on retrouve avec plaisir l'acteur de télévision Glenn CORBETT, que FULLER dirigea 12 ans plus tôt dans The Crimson Kimono, et surtout le fabuleux Anton DIFFRING, le Nazi préféré des cinéphiles et l'un des piliers du cinéma fantastique britannique, excellent dans le rôle du chef de l'organisation, aristocrate cynique épris d'escrime, en qui FULLER voyait le représentant d'une décadence "particulièrement européenne", celle qui s'exprime dans les "combats de gentlemen. La forme la plus basse de l'hypocrisie : ils se haïssent, et ils sont courtois." (Le duel final entre DIFFRING et CORBETT est un grand moment de comique involontaire).

Glenn CORBETT

Anton DIFFRING

Hadopiser ici, en VHSRip et V.F.

Extrait :

5 commentaires:

  1. Hé bien ! En voilà dont j'avais vaguement entendu parler, et que je puis enfin visionner :-)
    Merci beaucoup BBJane pour ce titre peu évident à débusquer.

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  2. Intéressant, je veux bien le voir. Merci pour cette rareté.

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  3. vu en salles à sa sortie, je l'ai pris il y a quelques jours et puis... j'en ai oublié de te remercier. Déjà pour nous avoir dégoté cette rareté. Pourquoi diable nos chaines cablées ne pensent-elles jamais à le programmer ? (ou alors çà fait un bail). Et puis pour la diversité des films proposés, en général.

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  4. Thanks, I've been interested in watching this film for several years. Thank you!

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  5. bonjour, un nouveau lien est-il possible ? merci !

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