mercredi 30 janvier 2013

DJANGO UNCHAINED (Quentin TARANTINO, 2012)

Ne cherchez pas un lien d'hadopisation : y en a pas (faut pas pousser, quand même !...) Il ne s'agit que d'une petite critique, comme ça, en passant...

 

Autant qu'un hommage au western européen, Django Unchained est un slavesploitation pur jus, avec son lot de complaisances et d'équivoques. La dénonciation de l'esclavagisme n'y est, comme souvent, que prétexte à un déballage de cruautés tour à tour vigoureuses et racées. Je lis un peu partout qu'il s'agit d'une « œuvre de maturité » pour TARANTINO (un film enfin engagé !), mais je n'y vois guère de différence, dans la forme et le ton, avec ses précédents travaux. Django Unchained serait même, à mon sens, plutôt moins abouti, plus inégal et délayé qu'Inglourious Basterds. La dernière demi-heure n'apporte que redondance à une violence ayant connu son apothéose lors de la grande scène de fusillade, véritablement anthologique. Deux apothéoses, c'est une de trop, et le cinéaste finit par affadir ce qui fait le sel de son œuvre : l'accouplement de la violence et de la jubilation, honni des moralistes et des censeurs. On reste froid, voire un peu harassé, devant un finale dont le baroquisme se dilue dans la redite.


On a peu souligné ce qui faisait l'audace d'Inglourious Basterds : la violence, préoccupation centrale, et presque raison d'être, du cinéma de TARANTINO, y était curieusement légitimée par le fait qu'elle s'exerçait essentiellement à l'encontre de nazis. Le cinéaste y renversait les codes de la nazisploitation, autorisant le spectateur à applaudir sans état d'âme aux exactions perpétrées par les « bâtards » sur plus bâtards qu'eux. Tout à leur euphorie catharsique, public et critiques en oublièrent de pointer l’inexpiable tare associée aux productions tarantinesques : leur exaltation de l'horreur.
Dans Django Unchained, la violence s'abat aussi bien sur les bourreaux que sur leurs victimes, sur les maîtres que sur les esclaves. Elle fait feu de tout bois et bouillie de toute chair. Mais ses manifestations les plus coupablement grisantes, celles dont la complaisance devrait faire matière à débat, conservent la même justification : l'accomplissement de la vengeance. Le film n'interroge pas au-delà les conditions de notre faculté à prendre plaisir au spectacle de la barbarie. C'est peut-être tant mieux, et c'est sans doute en cela qu'il s'avère glorieusement irresponsable, contrairement aux allégations de maturité que j'évoquais plus haut. C'est cette irresponsabilité qui fait de TARANTINO l'un des auteurs les plus euphorisants et inventifs du cinéma américain actuel ; il serait dommage qu'il s'en départisse. Elle présente pourtant son revers dans Django Unchained. L'accumulation des paroxysmes provoque au bout du compte une certaine langueur, et l'on se prend à être excédé par la répétition de débordements opératiques qui, en eux-mêmes, ne sont pourtant pas sans beauté.


Il s'en faut donc d'une trentaine de minutes pour que le film soit un chef-d'œuvre. Pour le reste, on y retrouve les dons superlatifs du cinéaste : sa gestion magistrale des moments d'étirement précédant l'explosion de la violence (la scène du dîner) ; son incomparable direction d'acteurs, par laquelle il obtient des performances inoubliables d'interprètes peu stimulants (Leonardo DiCAPRIO, Lee HORSLEY, et surtout Don JOHNSON), et des compositions sidérantes de comédiens chevronnés (Samuel L. JACKSON, proprement monstrueux en domestique Noir raciste et dominateur, sorte de Mister Hyde de l'Uncle Ben's, dont il s'est fait la tête) ; son humour décalé (le débat sur les trous de cagoules chez les membres du Ku Klux Klan) ; enfin, et surtout, sa faculté à régénérer les artefacts d'une large culture cinéphilique, et à les faire définitivement siens (le générique d'ouverture en est un parfait exemple : la mélodie de Luis Enriquez BACALOV pour le Django de Sergio CORBUCCI prend soudain des accents insoupçonnés de gospel, par la grâce des images qui lui sont associées, et sera désormais inséparable du film de TARANTINO).
On se doit donc de saluer Django Unchained comme un objet rare et précieux : un film qui redonne goût au cinéma américain, en lui restituant (parfois) l'un de ses plus beaux paradoxes : sa rigueur juvénile.

La musique de Luis Enriquez BACALOV : 

 

La bande-annonce :

 

3 commentaires:

  1. Ça c'est de la critique ! Même si je ne suis pas tout à fait d'accord, il me semble en effet que Django est plus abouti qu'Inglourious par ex (lequel souffrait de baisses de tension parfois, notamment les scènes du cinéma). Je pense que maturité et Tarantino ne s'accouplent pas nécessairement très bien. Disons qu'il a mieux maîtrisé son sujet… Mais cela ne vaut pas Jackie Brown tout de même.
    Sinon, bravo et merci pour Smogasblog, jusqu'au titre qui me rappelle mon enfance, quand je ne comprenais rien à Jerry Lewis mais qu'il me fascinait quand même.
    À vous retrouver prochainement en librairie j'espère!
    Ravi

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  2. je suis une vrai
    http://www.twikeodream.com/thumbs/9650819merdepuante.jpg

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  3. et les gimmicks fleurirent son film...

    DJANGO habillé de la même façon que MICHAEL LANDON (LITTLE JOE) dans la série tv culte des sixties BONANZA...

    Quand le tout propre sur lui du western ricain côtoie le ketchupissime WILD BUNCH; mais au fait, LITTLE JOE CARTWRIGHT, l'était-il pas parfois effrayant avec son angélique sourire???

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