Ma découverte de ce film est le fruit d'une très vieille erreur. Quand j'étais petite fille (il y a de cela une dizaine d'années), je m'étais offert dans une solderie (j'étais une gamine impécunieuse) une cassette audio intitulée : "Hollywood Sings". La pochette annonçait que l'on y pouvait apprécier les vocalises de Marilyn MONROE, Humphrey BOGART, Judy GARLAND, Yul BRENNER (sic !) et Mickey ROONEY. L'objet ne coûtant que 5 francs (un peu moins que le prix actuel d'un croissant -- resic !), je me fendis de ce débours. Je découvris alors que d'autres célébrités poussaient la chansonnette sur cette bande, en plus de celles annoncées en couvrante. Yvonne De CARLO offrait une très miaulante interprétation de "Lovely Hula Hands", Betty HUTTON reprenait "I'm in the Moon (reresic !) for Love" (qu'avait-elle besoin d'aller sur la Lune pour aimer ?...), et surtout... SURTOUT !... je tombai en pâmoison à l'écoute de "I've Got Rain in my Eyes" par la sublime Jean SIMMONS, dont je n'avais jamais soupçonné jusqu'alors les talents vocaux. Cette romance émouvante et fragile (dont les paroles étaient pour moi incompréhensibles -- Dieu merci !) devint ma chanson préférée du lot, que je me repassais en boucle en dépit de l'astreignante obligation de rembobiner la bande à chaque fois -- une contrainte que les moins de dix ans (car c'était il y a seulement dix ans, j'insiste...) ne peuvent pas connaître...
Une dizaine d'années plus tard, donc, je remets la main sur cette cassette, moisissant dans un vieux carton de déménagement abandonné dans les profondeurs de ma cave. Ravie, je la réécoute pieusement, et décide de mener quelques recherches sur ma chanson favorite, dont le titre, étrangement, ne correspond guère (et même absolument pas) aux paroles, et qui semble introuvable dans la (très mince) discographie de Jean SIMMONS (ne pas confondre avec Gene SIMMONS, je vous prie...) Après d'infructueuses googlisations, j'ai l'idée de faire appel à mes amis facebookiens, au nombre desquels je sais pouvoir compter sur une poignée d'experts en vieux machins musicaux plus poussiéreux que le vibromasseur d'Yvette HORNER ou le stérilet de Line RENAUD.
Comme de bien entendu, c'est Valentine DELUXE, vivante encyclopédie de la musique légère et de la goualante à deux sous, qui trouva la solution de l'énigme et me la lança dans la gueule, avec la délicatesse goguenarde d'une diplômée en zizicologie apprenant les rudiments de son magistère à une freluquette du Danube fraîchement débarquée sur la rive de la civilisation par le canot de sauvetage de minuit quinze, en sabots crottés et robe de jute...
Premièrement : la chanson ne s'intitulait pas "I've Got Rain in my Eyes", mais "Tammy" ou "Tammy's in Love" -- ce qui faisait quand même, et mine de rien, un sacré distinguo... Deuxièmement : l'interprète n'était pas Jean SIMMONS, mais Debbie REYNOLDS, et la chanson était issue du film Tammy and the Bachelor, une antiquité de 1957 parfaitement inconnue en France, mais très populaire aux Etats-Unis parmi les dames de charité de Sunset Strip et les rosières de Temple Square (Salt Lake City, Utah).
Sans cette mésaventure extrêmement dommageable à mon amour propre, et qui suscita une belle hilarité chez mon confrère blogueur aux commandes de Soyons-Suave, il est fort probable que je n'aurais jamais songé à découvrir Tammy and the Bachelor, ce qui aurait été fort regrettable, dans la mesure où le film de Joseph PEVNEY fait largement appel à deux concepts particulièrement chers à mon cœur : le kitsch et le Camp. "A toute chose malheur est bon", dit un fameux dicton dont le bien-fondé me paraît incontestable en la circonstance...
Cul-cul-la-praline au possible, le scénario de Tammy and the Bachelor nous raconte comment Tammy Tyree (Debbie REYNOLDS), une jeune campagnarde aux mœurs rustiques et à la franchise désarmante, est accueillie par une famille de la haute bourgeoisie locale, après que son grand-père (Walter BRENNAN) -- le seul soutien qu'elle ait en ce bas monde -- ait été fichu en taule pour fabrication illicite de gnôle. Ses manières dépourvues d'apprêts et sa langue bien pendue sèment rapidement la confusion dans les habitudes de ses hôtes, et le trouble dans le cœur du fils de la maison (Leslie NIELSEN). Ce dernier, promis à une riche héritière, est davantage tenté par une vie simple consacrée à la culture d'une variété inédite de tomates -- ce qui convient parfaitement à Tammy...
L'heureuse surprise du film vient de ce que sa trame, d'une niaiserie insondable, est soumise par PEVNEY et ses scénaristes à une série de petits accrocs discrets et piquants, qui la font basculer dans la parodie Camp. A force d'en rajouter dans la guimauve et la mignardise, les auteurs procèdent à une mise en boîte affectueuse, mais acérée, des clichés propres à ce type de bluette rurale aux sirupeux relents d'opérette et de heimatfilm. Au diapason de cette démarche, les comédiens prennent un visible amusement à forcer le trait et à mettre en valeur des dialogues toujours à la limite du second degré (ah ! la petite phrase de Debbie REYNOLDS à la fin de sa chanson romantique : "Et quand je pense que cette lune qui m'éclaire éclaire aussi les tomates de Peter..." -- voir l'extrait ci-dessous.) En plus des interprètes déjà cités, il faut saluer les compositions de Mildred NATWICK en tante fofolle adepte de l'art moderne ayant baptisé son chat Picasso, ainsi que de Fay WRAY en grande bourgeoise braquée sur les convenances -- c'est l'une des dernières apparitions au grand écran de la fiancée de King Kong.
Une gourmandise à déguster sans souci du cholestérol.
Hadopiser (en DVDRip et V.O.S.T.) :
1 - 2 - 3 - 4 - 5
Extrait : Jean SIMM... euh... Debbie REYNOLDS chante "Tammy"... :
Très zolie chanson !
RépondreSupprimerMerci pour la découverte. BBJane : mon aide de Camp forever !
Film adorable dans une qualité d'image irréprochable.Comme quoi nos "amis" d'outre-Atlantique savent faire autre chose que des descentes de police...
RépondreSupprimerBravo pour ton opiniâtreté !
RépondreSupprimerAvez-vous vu "The Long Day Closes" de Terence Davies ? C'est une merveille de film où le réalisateur se souvient du jeune garçon "artistique" qu'il était dans l'Angleterre des années 50. Une séquence (la plus belle du film) utilise entièrement en illustration la chanson "Tammy" de Debbie Reynolds.
RépondreSupprimerDans la série des Tammy, je préfère "Tammy Tell me True" pour une raison toute simple : John Gavin en est.
@ Tom Peeping : Non, je n'ai pas vu "The Long Day Closes". Ça ne saurait tarder, désormais... Merci pour l'information !...
RépondreSupprimerTom : ôtez-nous d'un doute. John Gavin en est ? Nous le pensions républicain...
RépondreSupprimerSûrement intéressant mais trop tard... lien hs, alors si un réup est possible, merci d'avance ,je repasserai...
RépondreSupprimer