mardi 21 juin 2011

WILD IN THE STREETS (Barry SHEAR, 1968)




Attention : chef-d'œuvre !
Le film que je vous propose aujourd'hui en hadopisation est très probablement l'une des bandes les plus barges et les plus stimulantes produites par l'A.I.P., ainsi que l'un des plus percutants pamphlets politiques de la fin des sixties... A (re)redécouvrir d'urgence !...

(N.B. : L'article qui suit est issu d'une étude sur le cinéma camp anglo-saxon, actuellement en cours de rédaction, et dont la parution est prévue pour fin 2012/début 2013. Ceux d'entre vous qui, s'intéressant au sujet, souhaiteraient lire d'autres passages de cet ouvrage, trouveront en fin de post les liens vers des extraits parus sur mes autres blogs...)


Dans cette œuvre violemment satirique, un jeune chanteur de pop multimillionnaire, Max Frost (Christopher JONES), offre son soutien électoral à un sénateur (Hal HOLBROOK) contre la promesse d'un abaissement de l'âge légal de vote à 15 ans. Dans la foulée de cette victoire, il encourage des émeutes de jeunes à travers le pays, impose son amie junkie comme représentante de la Californie au Congrès, et parvient à se faire élire président sur un programme déniant tout droit aux adultes. Les personnes de plus de 35 ans sont déportées dans des camps de concentration où on les abrutit de L.S.D. ; le F.B.I. et la C.I.A. sont dissouts, et l'hédonisme est érigé en loi par les jeunes générations triomphantes.


L'invraisemblance du scénario, basé sur une nouvelle de Robert THOM, fut décriée par une bonne partie de la critique, ce qui n'empêcha pas le film d'être considéré comme représentatif de l'air du temps, voire prophétique pour les plus alarmistes (la question de l'âge de vote était vivement débattue en 1968, année électorale troublée par la guerre du Vietnam, les contestations étudiantes et l'ampleur du mouvement hippie). L'accession au pouvoir d'un chanteur démagogue, déjà au centre d'Un Homme dans la foule d'Elia KAZAN (1957), et qui fournit à Tim ROBBINS l'argument de son Bob Roberts (1992), se double ici d'une réflexion percutante sur l'avènement du « jeunisme », aboutissant à une dérive fasciste. Max Frost commence par étayer son discours sur le poids démographique des jeunes aux Etats-Unis (52 % de la population américaine avait alors moins de 25 ans, conséquence du baby boom) ; l'extravagance de ses prétentions ne connaît pas de limites, tout comme celle des moyens employés pour parvenir à ses fins : ainsi, c'est en saturant de LSD les réserves d'eau de Washington qu'il parvient à faire voter par des sénateurs shootés une réforme visant à faire accéder toute personne de plus de 14 ans aux plus hautes fonctions politiques.


La démesure bat son plein dans les multiples séances du Congrès, où la jeune Sally LeRoy (Diane VARSI), totalement défoncée, annone des revendications ahurissantes, coiffée d'un tricorne et munie d'un tambourin. Les réactions des « vieux tigres » (comme les surnomme Frost) déchus de leur pouvoir, sont aussi pathétiques qu'excessives : « La jeunesse n'est pas une transition, c'est un fléau ! », s'insurge vainement le sénateur Allbright, tandis que Fergus, telle une drama queen déchaînée, arrache rageusement les affiches de Frost décorant les chambres de ses fils en hurlant : « Dorénavant, ce sera Winnie l'Ourson et Little Women, et rien d'autre ! »


Par son outrance pince-sans-rire, l'humour pratiqué par Barry SHEAR et Robert THOM n'est pas très éloigné du camp pour ce qui touche à la satire politique et sociale. Il en relève totalement dans son approche d'un thème essentiel au concept : le matrophobie, focalisée sur le personnage de la mère de Frost, qu'incarne Shelley WINTERS (qui d'autre ?). L'actrice se déchaîne dans le rôle de Daphne Flatow, envahissante matrone dont les vitupérations ne sont pas étrangères à la haine que son fils a conçue pour le monde des adultes. Archétype de la mère ogressale et incestueuse, Daphne, privée de l'affection de son garçon, compense cette perte par des simulacres dans lesquels elle adopte, jusqu'à la caricature, les traits de l'amante de Max (« Je m'identifie à Sally LeRoy », déclare-t-elle ingénument au sénateur Fergus), ou d'une autre mère (La reine d'Angleterre), substitut de l'épouse pour un fils toujours célibataire. Sur un plan plus immédiat et illustratif, le sommet de la cruauté camp est sans doute atteint dans la scène où, traînée vers le camp de concentration pour « plus de 35 ans », elle hurle aux policiers « C'est une erreur ! Je suis jeune ! Je suis jeune ! »


Affligé d'une telle génitrice, Max Frost nous est présenté, en accord avec les théories freudiennes, comme un homme à l'orientation sexuelle mal définie. Certes, il a quatre enfants et n'affiche d'intérêt que pour les femmes ; lorsque son ami Billy Cage (Kevin COUGHLIN), homosexuel affirmé, lui reproche son choix « démodé » de ne coucher qu'avec des personnes du sexe opposé, il lui répond par un sourire amusé. Mais son comportement envers ses amis/associés ne laisse pas d'être trouble : il joue sur eux de son pouvoir de séduction, manifeste au jeune Billy un attachement moins viril que maternel et qui tient de la couvaison, a des gestes ambigus envers le très efféminé Abraham (Larry BISHOP), son trompettiste amputé d'une main, dont il porte pensivement à ses lèvres le crochet qui lui sert de prothèse.


A 43 ans de distance, non seulement Wild in the Streets n'a pas pris une ride, mais il s'avère d'une actualité brûlante, et aurait aussi bien pu être mis en boîte par l'un de nos cinéastes actuels (s'il s'en trouvait de suffisamment inspiré...) Gageons qu'en ces temps de remakes à tout va, une nouvelle version ne saurait tarder...

Hadopiser ICI (nouveau lien), en DVDRip et V.O.S.T.


Bande-annonce (V.O.) :



12 commentaires:

  1. Cher BB, je vais de suite le récupérer, vraiment très tenté par ce film, Toujours un plaisir de découvrir des oeuvres si particulières grâce à toi ! Ton blog est un indispensable de ma journée !

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  2. ...je dirais même plus, ton blog est un indispensable de my journey!

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  3. Bravo pour cette hadopisation :) !!

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  4. La BO de ce film a été un succès monumentale, et même éditée en France, en LP et 45 tours, c'est dire... (sous le titre Français "les troupes de la colère")
    Un succès tel que le faux groupe "max frost & the troopers" (en fait Mike Curb et Les Baxter à la production/composition) a enregistré des titres après le film pour satisfaire la demande des fans.
    De plus le titre "Shape of Things to Come" est un classique aux U.S et a même été utilisé plusieurs fois pour de l'illustration sonore publicitaire.

    Sinon, ce qui me plait le plus dans ce film, c'est à la fin, les décisions prisent en matière de politique internationale, directement inspirées par le programme "Yippie" de Jerry Rubin... on est bien en 1968, pas de doute.*

    Et dire que c'est sur TF1 que j'ai vu ce film, à l'époque du "2 films sinon rien". Ha oui, les temps changent !

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  5. Très bon. Je ne connaissais pas, merci.

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  6. @ el superfreak : Un très grand merci pour ces précisions. Je savais que la BO avait été un grand succès, mais j'ignorais totalement qu'elle était parue en France ! De même pour la diffusion sur TF1 -- incroyable !...

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  7. bonjour,

    serait il possible de re-uploader le film qui est introuvable maintenant depuis la fermeture de megaupload ?

    Merci

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    1. @ Comment gagner... : Je m'en occupe ; il sera disponible en début de semaine prochaine...

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  8. désolé de ce pseudo à la mort à la mords-moi-le-nœud. la publicité s'infiltre partout de nos jours.
    merci bien

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  9. Bonjour, serait-il possible de réuploader ce film ?
    Ce blog est une mine, super boulot !
    Merci d'avance

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    1. Merci beaucoup, Marie. Je m'en occuperai ce week-end...

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  10. Ca a l'air completement frappe . Je suis curieux de ce genre de films un peu fous .
    Je n'avais pas reconnu au premier chef l'acteur qui jouait le jeune soldat anglais dans " la fille de Ryan " de David Lean avec Robert Mitchum .
    Le realisateur a surtout fait de la television .
    En tout cas , merci de ce partage bbjane .

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